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rechercher rechercher insula navigation du site aller au contenu à propos du blog qui sommes-nous ? crédits et mentions légales contact newsletter insula le blog de la bibliothèque des sciences de l'antiquité (université de lille) — issn 2427-8297 flux rss twitter newsletter mensuelle : votre adresse email peut-on prendre des libertés lorsque l’on traduit : réflexions d’un traducteur par gideon nisbet le 11 juillet 2018 publié dans traductions faut-il traduire littéralement les topiques présents chez les auteurs anciens, ou les remplacer par des équivalents modernes approximatifs ? dans un article paru sur le blog d’oxford university press en février 2017, gideon nisbet, traducteur de martial, fait part de ses réflexions de traducteur. la traduction française inédite de cet article est réalisée pour insula par les étudiants du master en « traduction spécialisée multilingue » (tsm) de l’université de lille. contrairement aux autres billets publiés par « insula », les traductions issues de « oupblog » ne sont pas publiées sous une licence en libre accès. lien vers le texte original : https://blog.oup.com/2017/02/translating-martial-homer-cicero/ si vous avez déjà essayé d’apprendre une autre langue vous savez déjà que, même pour les débutants, il ne suffit pas de simplement rechercher les mots « étrangers » dans un dictionnaire et de les recopier pour traduire. vous obtiendrez du charabia, car il n’existe pas deux langues qui fonctionnent de la même façon, tant sur le plan grammatical (les règles) que syntaxique (la façon dont les règles sont appliquées). mais en plus, une fois que vous avez bien assimilé ces différences, il est difficile d’obtenir un résultat qui soit satisfaisant ; satisfaisant pour vous, en tant que traducteur en plein apprentissage, n’en déplaise aux autres. les langues ne diffèrent pas seulement au niveau des rouages. elles varient dans leur manière de représenter le monde, dans la façon dont elles transmettent l’expérience de l’orateur (en d’autres termes, de l’individu) dans une culture. comment, et aux yeux de quel observateur, la mer homérique peut-elle paraître « couleur de vin » (selon l’épithète propre à homère, tout comme achille est souvent qualifié par sa « course légère ») ? la palette de couleurs d’homère est non seulement limitée, mais elle est surtout fondamentalement différente de la nôtre. ainsi, la traduction conventionnelle « couleur de vin » n’est en fait qu’une supposition, ou même une échappatoire pour ne pas admettre que l’on tâtonne dans le noir lorsque l’on essaie de comprendre ce qu’il voulait dire. et inversement, si je voulais traduire « je t’aime » en grec ancien d’homère (ou en latin de cicéron), je devrais réfléchir à deux fois au mot, ou aux mots, que je vais utiliser parce que notre mot français « amour », comporte de nombreuses nuances. j’aime ma femme, mes parents, mon chien, le vin. mais, heureusement, pas tous de la même façon. « amour », c’est la preuve que les mots sont comme des aimants. ils attirent des significations différentes en fonction du contexte (la religion, l’amour courtois, la musique pop…) et il est difficile de prévoir la fin de cette évolution (le sexe, la famille… et ensuite ?). les choses se compliquent lorsque le texte que l’on traduit ne se montre pas fair-play, lorsqu’il refuse la tâche, pourtant simple, de véhiculer le sens. when is a door not a door? (quand est-ce qu’une porte n’est plus une porte ?) when it’s a jar ( a jar signifie littéralement « un pot », mais ajar signifie « ouvert »). songez un instant au travail que cela demanderait de traduire ceci en italien, ou en allemand, peu importe. et si, pire encore, la langue cible exprimait l’expérience et la vision du monde d’une culture qui n’utilisait pas de portes et qui avait conscience (ou peut-être pas) que les poteries étaient des curiosités historiques ? pas étonnant que les traductions d’auteurs satiriques et humoristiques nécessitent d’être fréquemment mises à jour ou remplacées. selon les lecteurs et le public d’aujourd’hui, aristophane est un classique parmi les auteurs de l’antiquité. son humour comporte des références topiques : faut-il les traduire littéralement, ou les remplacer par des équivalents modernes approximatifs ? ça dépend en grande partie du public pour lequel vous traduisez, qui détermine quel type de traduction vous devez produire. une aide pour des personnes qui apprennent les langues ? une référence pour des étudiants en histoire ancienne ? ou un scénario pour une pièce contemporaine ? “sunrise, phu quoc, island” par quangle, domaine public cc0 via pixabay. peu importe le parti que vous prenez, vous perdez quelque chose. traduire cléon par trump ? vous salissez le sens du texte original d’aristophane ! laisser cléon ? de nos jours, ça ne ferait rire personne ! ce qui, pour une comédie destinée au grand public, constitue son propre genre d’infidélité, probablement inexcusable. nous traduisons toujours, en premier lieu, pour un public bien particulier et peut-être toujours pour nous-mêmes avant tout (sinon, pourquoi s’embêter ?). en revanche, nous n’avons aucun contrôle sur ce que le public va faire de nos traductions : les critiquer, et parfois pire, se les réapproprier. comme c’est le cas des couleurs (la mer d’homère), mais également des sous-entendus sexuels, des accusations directes et des éloges, le monde antique (à travers ses langues) divise simplement l’expérience humaine en morceaux, qu’il traite et catégorise différemment. dans un monde universitaire post-foucaldien, il est bien connu que « l’homosexualité » n’a vu le jour qu’à la toute fin du dix-neuvième siècle (à l’origine, par la médicalisation) et « l’hétérosexualité » peu de temps après ; mais ce n’est pas tout. traduire, comme je l’ai fait et continue de le faire, les épigrammes de martial, poète satirique du premier siècle apr. j.-c., probablement l’un des auteurs antiques les plus diffamateurs, c’est avoir constamment le doute que, à travers d’immenses différences culturelles exprimées dans un langage à la fois humoristique, familier et obscène, on se moque de nous. sera-t-on un jour capable de saisir chacune des nuances des insinuations méchantes de ses textes ? non, et ce n’est peut-être pas plus mal. mais les temps changent et offrent de nouvelles possibilités aux lecteurs de martial en anglais. par exemple, dans 10.68, martial se plaint qu’une fille romaine de bonne famille se ridiculise en altérant son discours (« ah m’sieu ! ») avec les manières d’une courtisane grecque. il l’imagine même aller jusqu’à se déhancher de manière suggestive : numquid, cum crisas, blandior esse potes ? nous avons désormais un mot pour ça. criso, crisas, crisat : je twerke, tu twerkes, il/elle twerke. depuis tout ce temps, le latin de martial attendait que l’on se mette à la page. gideon nisbet est professeur de lettres classiques à l’université de birmingham. il est rédacteur d’oxford world’s classics : martial : epigrams , disponible en version papier et sur oxford scholarly editions online (oseo). oseo permet de découvrir une large collection de documentation de référence qui couvre une variété de sujets, allant de la philosophie, la littérature et la théologie, en passant par l’économie, la linguistique et la médecine. supervisée par le prestigieux comité de rédaction constitué d’universitaires éminents et dirigée par michael f. suarez, s.j, rédacteur en chef, cette ressource vous permet actuellement de consulter de la documentation écrite entre 1485 et 1901, ainsi que de la poésie, de la prose et des pièces de théâtre en latin classique. traduction réalisée par les étudiants du master en « traduction spécialisée multilingue » (tsm) de l’université de lille au cours d’un skills lab. un skills lab est une agence virtuelle de traduction, qui permet aux étudiants de gérer des projets de traduction en totale autonomie. l’objectif est de recréer les conditions de travail d’une agence de traduction au sein même de l’université et d’évalue